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Sylvain Nau : “Plein emploi et croissance à Taiwan contre chômage et politique de la dette en France.”

Rendez-vous samedi 17 juin à Taipei : Dîner d’été du CFI avec Marc Guyon (Taipei) – Club France International

Bonjour Sylvain. D’où êtes-vous originaire et qu’est-ce qui vous a fait décider d’aller vivre à Taiwan ?

 Je suis originaire de Tours, ville à la riche histoire. Dans l’antiquité gallo-romaine, cité libre des Turons, puis centre culturel du monde franc médiéval sous l’impulsion de Saint Martin et de Saint Grégoire, avant de devenir le cœur battant de la matrice de la langue française avec les poètes de la Pléiade, en particulier Pierre de Ronsard et Joachim Du Bellay, mais aussi avec l’inventeur du roman moderne Francois Rabelais. Une histoire intellectuelle qui s’est poursuivie jusqu’à nos jours avec René Descartes, Honoré de Balzac, George Courteline, Alain Fournier, Paul Nizan, entre autres, jusqu’à Charles Maurras qui choisit de reposer à Tours pour l’éternité. J’ai pour ma part grandi au dixième étage d’une tour HLM, produit de la reconstruction, dans un quartier populaire à forte concentration maghrébine. J’ai été très tôt confronté à cette diversité tant vantée, aujourd’hui, par les tenants d’un système en perdition.

 J’ai effectué des études universitaires et je suis diplômé d’un Master d’histoire contemporaine orienté sur l’étude des idéologies politiques. Je me suis destiné assez vite aux métiers de l’enseignement. Tout en étant étudiant, j’ai ainsi débuté comme animateur en écoles maternelles et primaires, avant d’occuper les fonctions de surveillant en collège sous le statut de MI-SE (Maitre d’Internat – Surveillant d’Externat) en ZEP sensible à Blois pendant deux ans, puis dans des établissements de centre-ville à Tours et Paris. Un statut par ailleurs abrogé sous le premier gouvernement du RPR Jean-Pierre Raffarin, après avoir été littéralement flingué sous celui de son prédécesseur socialiste, Lionel Jospin. Un bel exemple de l’imposture partisane française et du sabotage organisé dont la France est victime depuis des décennies.

 Je me suis, par la suite, initié à l’enseignement de l’histoire-géographie, ainsi que du français – dont je suis aujourd’hui enseignant certifié Français Langue Étrangère, non seulement au sein de l’éducation nationale, mais aussi auprès d’une structure privée américaine du New Jersey. C’est en 2006, après une année passée à Paris, que j’ai décidé de partir pour Taiwan. Disons que le climat général en France et à Paris, d’un point de vue politique et social, ne me convenait plus. Les grandes manifestations anti-CPE de 2005-2006, auxquelles j’ai participé activement, ont été le point d’orgue de ma prise de conscience à la fois de la fracture civilisationnelle qui n’a fait que s’aggraver dans le pays entre des populations refusant l’assimilation républicaine et de l’impéritie d’un personnel politique nous menant à l’abime, J’ajoute que je ne me voyais pas non-plus poursuivre ma carrière dans l’éducation nationale du fait d’un système en voie de corruption totale, d’une institution qui ressemblait déjà à un village Potemkine, où les intérêts personnels prévalaient sur l’intérêt collectif.

 Le choix de Taiwan fut celui d’une relative inconnue. Un de mes amis y vivait depuis déjà quatre ans et me suggérait depuis déjà quelque temps de venir l’y rejoindre. L’Asie m’attirait depuis toujours. Jusqu’à lors, la vie m’avait offert à la fois l’opportunité de me familiariser avec la culture américaine et de maîtriser un anglais correct, mais aussi de me lier avec des ressortissants de divers pays d’Asie de l’Est. Mes diplômes et mon expérience professionnelle, ainsi que les conseils de mon camarade, me permettaient d’envisager la possibilité d’enseigner l’anglais, ce qui constituait un nouveau défi qui n’était pas pour me déplaire. Le choix du départ me sembla donc aller de soi.

Comment trouvez-vous la vie à Taiwan ? Qu’est-ce qui est fondamentalement différent de la France ? Peut-on vivre à Taiwan sans parler mandarin ?

 Taiwan est un pays où les choses sont assez simples si l’on accepte les règles en vigueur. Je m’explique ; si l’on est quelqu’un disposant de compétences assez solides, de la volonté de s’intégrer et d’une capacité à s’adapter rapidement à un nouveau paradigme, vivre ici, malgré les obstacles inhérents au fait d’être dans un pays étranger, est tout à fait possible. Faire ses preuves en se consacrant sérieusement à son travail de huit heures à vingt heures, du lundi au vendredi, est un passage quasi-obligé afin de se faire sa place. Pour le reste, aimer vivre à la taiwanaise et s’attacher à comprendre la mentalité des locaux sont essentiels. L’apprentissage du mandarin dépend, lui aussi, de la volonté de chacun, mais il est essentiel d’en maîtriser rapidement les rudiments facilitant la vie au quotidien.

 Personnellement, j’ai adoré vivre ici dès les premiers jours. Deux semaines seulement après être arrivé et je savais que c’était ici que je voulais faire ma vie. Je suis d’un naturel plutôt actif et le rythme de Taipei, cette ville qui ne dort jamais, m’a tout de suite convenu. Tout me plut. Cette cité à la fois minérale et organique, coulée de béton, piquée d’une végétation rebelle, où se mêlent la modernité des gratte-ciels d’acier et de verre aux lignes acérées, des néons illuminant la nuit de leur éclat électrique, et la tradition des temples taoïstes posés la, comme hors du temps, dans la psalmodie des mantras flottant sur le halo bleuté des vapeurs d’encens, sous le regard pénétrant des Dieux. Au chaos urbain des mécaniques et des hommes en mouvement perpétuel répond l’ordre social apaise d’un peuple conscient de lui-même.

 Je crois que ce qui est, ici, fondamentalement différent de la France tient à deux choses qui peuvent sembler contradictoires, mais qui sont, en fait, les fondements de l’équilibre de la société taïwanaise. D’une part, un profond réalisme teint de matérialisme, et de pragmatisme, visant à l’efficience et au progrès. Et, d’autre part, un spiritualisme enraciné dans une tradition millénaire, venant contrecarrer les influences les plus néfastes de la globalisation libérale. Le peuple taïwanais est ainsi particulièrement attaché à son indépendance et à sa souveraineté, au sein d’une démocratie représentative et participative dynamique. Au contraire de Français atomisés et souffrant d’anomie, désarmés moralement par une conversion totale au matérialisme libéral, rendus impuissants par les forces centrifuges auxquelles ils se sont asservis. Sans parler de l’économie… plein emploi et croissance à Taiwan contre chômage et politique de la dette en France.

Qu’est-ce qui vous manque de la France ? Que pensez-vous de la situation en France ? Pensez-vous rentrer en France un jour ?

 Depuis 17 ans que je vis à Taiwan, je ne ressens pas vraiment de mal du pays ou de manque à proprement parler. Je me satisfais de ce que m’offre le quotidien et j’apprécie l’environnement qui est le mien. Je fais de mon mieux pour faire vivre la France à l’étranger aussi bien d’un point de vue culturel, de par mes activités professionnelles auprès d’étudiants et de familles taïwanaises, qu’au travers de mon activisme politique en direction de la communauté française à Taiwan. Je m’attache, jour après jour, à donner la meilleure image possible de notre pays et l’envie aux Taïwanais de découvrir la France et sa culture.

 Considérant la situation en France, je pense que notre pays est en état de décomposition avancée sur le plan intérieur et en voie de disparition à l’international. Atomisé horizontalement, le peuple de France est un corps désarticulé qui finira très bientôt démembré si des changements politiques radicaux n’interviennent pas au plus vite, si les élites, qui ont inféodé notre nation à des intérêts qui ne sont pas les nôtres, ne sont pas écartées des responsabilités qu’elles ont usurpées au prix de manipulations de l’opinion et d’arrangements entre initiés. Tous les indicateurs sont au rouge : dette publique, balance commerciale, inflation, chômage, éducation, criminalité, imposition, climat social délétère… Sans parler d’un président qui, non-content de se faire le vassal de tous les puissants quels qu’ils soient – comme nous l’avons vu lors de ses visites officielles aux USA puis en Chine – affirme doctement “qu’il n’y a pas de culture française” ou qu’il y aurait “des gens qui ne sont rien”. Tout ceci ne donne pas vraiment envie de retourner vivre en France, il faut bien l’avouer.

Avez-vous des conseils pour ceux qui souhaitent voyager ou s’expatrier à Taiwan ?


 Je crois que l’expatriation est une décision très personnelle qui doit être mûrement réfléchie et répondre à une volonté profonde. Le seul conseil que je donnerais à un Français désireux de s’expatrier est de ne compter que sur lui-même, d’être volontaire, souple et résilient. Quant aux voyageurs, qu’ils viennent sans crainte, dans le respect de leurs hôtes, ils seront reçus avec chaleur et curiosité.

Rendez-vous samedi 17 juin à Taipei : Dîner d’été du CFI avec Marc Guyon (Taipei) – Club France International

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