Nathaniel Garstecka : “Une partie des Français de droite se fait des illusions sur la Russie”

Rencontre avec Nathaniel Garstecka, installé en Pologne. Il nous parle de la vie en Pologne et de sa vision du conflit actuel, dans lequel la Pologne est directement impactée.

Bonjour Nathaniel, depuis quand résidez-vous en Pologne, et pourquoi avez-vous choisi ce pays ?

– Bonjour Marc, je réside en Pologne depuis maintenant 9 ans. Mon parcours est un peu différent de celui des autres expatriés, car j’ai à la base des origines polonaises et je parlais déjà la langue avant de m’y installer. Je ne suis donc pas confronté aux mêmes difficultés que mes nombreux amis mais cela me permet aussi de leur apporter mon aide en cas de besoin.

Quelles sont vos activités en Pologne, et pensez-vous y rester longtemps ?

– Je travaille en tant que contrôleur de gestion dans des sociétés françaises, profitant du fait que je sois bilingue français-polonais (trilingue si on compte l’anglais). De nombreuses entreprises françaises se sont installées en Pologne, ou y ont ouvert des filiales. Le pays compte par exemple un réseau dense d’enseignes françaises de grande distribution. Il y a aussi de grands groupes du bâtiment, des télécommunications ou du transport et de la logistique.

J’ai aussi débuté un travail de journaliste, pour des médias polonais qui souhaitent publier des textes en français. Grâce à cela je peux garder contact avec le monde de la culture.

Enfin, je suis le coordonnateur de Reconquête! Pologne, le parti d’Éric Zemmour. C’est ma façon d’œuvrer un peu pour mon pays.

J’ai refait ma vie en Pologne, j’y suis bien installé avec ma famille et je compte bien y rester le plus longtemps possible.

Que pensez-vous de la situation de la France ? Envisagez-vous de rentrer en France dans un futur proche ?

– La situation de la France est tragique sous tous les angles. Social, à cause des crises internes qui se multiplient, on le voit en ce moment avec la réforme des retraites du Président Emmanuel Macron et les violences urbaines quotidiennes qui en découlent. Les observateurs polonais sont abasourdis devant un tel climat de guerre civile. Économique, car la position de la France s’érode de plus en plus, elle chute régulièrement dans tous les classements. Culturel, car son modèle n’est plus attractif pour personne. Les Polonais qui se faisaient encore des illusions, qui s’imaginaient un Paris à la Amélie Poulain déchantent vite dès qu’ils sortent de l’avion. Imaginez une jeune polonaise qui a grandi en rêvant du Paris des années 60, débarquer en ce moment à Paris. Saleté, insécurité, défrancisation de l’espace public… Sociétal enfin, car le progressisme est beaucoup moins avancé en Europe centrale. Je sais par exemple que mes enfants vont dans une école dans laquelle des travestis ne leurs enseignent pas la théorie du genre. Pour toutes ces raisons, je ne souhaite pas rentrer pour le moment en France, sauf pour y passer un weekend en famille.

Vous êtes proche de l’Ukraine. Etes-vous impacté par le conflit actuel, et quelle est votre opinion a ce sujet ?

– La guerre se déroule en effet à nos frontières. La Pologne est le seul pays du monde avec la Biélorussie à être limitrophe en même temps de la Russie et de l’Ukraine. C’est un pays qui a une histoire compliquée avec ces deux voisins, qui a vécu avec eux pendant des siècles. Les Polonais comprennent donc la situation en Europe de l’Est mieux que quiconque en Europe de l’ouest. Le pays est fortement impacté par le conflit. Il a subi une inflation importante depuis le déclenchement des hostilités. Il a accueilli des millions d’Ukrainiens fuyant le conflit. Il souhaite se positionner en fer de lance de la coalition s’opposant à la Russie en espérant au passage que l’Union européenne cessera ses critiques contre son gouvernement conservateur. Mon opinion est qu’une partie des Français de droite se fait des illusions sur la Russie. Ils estiment que ce pays est le “bastion de la civilisation blanche et chrétienne conservatrice”. En réalité on en est loin. Le besoin justifié de s’opposer au progressisme et au “wokisme” en provenance des États-Unis leur fait soutenir un pays qui n’est en rien un modèle, qui fait défiler ses troupes sous le signe de l’étoile rouge communiste, qui réhabilite Lénine et Staline, qui utilise les mêmes éléments de langage anti-occidentaux que les dirigeants de l’URSS. Soutenir la Russie pour s’opposer aux États-Unis, c’est tomber de Charybde en Scylla.

Avez-vous des conseils pour les Français qui envisagent de s’expatrier en Pologne ?

– L’expatriation en Pologne est difficile du fait de la langue. Cela vaut pour tous les pays d’Europe centrale et orientale. Cependant, avec un bon niveau d’anglais on peut très bien se débrouiller dans les grandes villes comme Varsovie, Cracovie, Gdansk ou Wroclaw. J’ai plusieurs conseils. Tout d’abord, essayer de se renseigner auprès des sociétés françaises si elles cherchent du personnel à expatrier en Pologne. Une telle opération faciliterait grandement les démarches. Ensuite, prendre contact avec les réseaux d’expatriés. Il y en a beaucoup, principalement dans les grandes villes sus-citées. Par ailleurs, commencez d’ores et déjà à apprendre quelques notions de polonais. Si vous habitez en région parisienne, la librairie polonaise du Boulevard Saint-Germain peut vous aider à choisir un programme d’apprentissage adapté. Enfin, arriver dans un bon état d’esprit. Les Polonais sont accueillants et très francophiles, beaucoup connaissent quelques mots de français. Avec la bonne approche, on peut très facilement se faire rapidement des amis dans la population locale.