Chine 2024, crise et opportunités 

Ceux qui survivront 2024, seront gagnants

*English version below

 Cela faisait un an que je n’avais pas mis les pieds en Chine. Ce pays, ses politiques, ses tendances, ses marchés changent très vite et il était grand temps d’y retourner pour une mise à jour sur le terrain.

Après deux intenses semaines de retrouvailles professionnelles et personnelles, voici mes conclusions :

 Après la réouverture d’après Covid il y a un an, nombreux étaient ceux qui s’attendaient à une reprise éclair de l’économie chinoise. Nous avons aujourd’hui la preuve du contraire : la croissance n’a pas repris, 2024 sera une année au moins aussi difficile dans la plupart des secteurs. La gestion sanitaire autoritaire du pays en 2022 a endommagé le facteur le plus important d’une économie : la confiance.

Les chauffeurs de taxis (Didi et compagnie) me racontaient que même les bouchons sont moins importants qu’en 2021 ; certains de ces chauffeurs sont d’ailleurs des entrepreneurs en difficultés qui se mettent au volant pour arrondir les fins de mois.

La consommation réduite, le rythme Shanghaien est ralenti. Les rues grouillantes que j’ai connues même pendant la période Covid (2020-2021) se sont bien dégarnies. La vitalité est toujours là, les cafés sont pleins, les restaurants aussi, mais les queues pour y accéder sont très réduites et les centres commerciaux sont plus calmes, certains ont fermé; et nombreuses enseignes n’ont pas trouvé de nouveaux locataires après le lockdown de 2022.

Voici le retour d’un chef d’agence de la banque ICBC (Industrial and Commerce Bank of China) à Shanghai : « Nous les banques, nous allons bien, nous avons des fonds. Nos clients épargnent et n’investissent plus, ils sont devenus très conservateurs. Ils n’achètent pas d’immobilier en ce moment car le marché n’est pas bon alors ils attendent. ». Cet argent épargné est en suspens, ne sait pas où aller localement et est très restreints sur les transferts vers l’étranger.

Le monde des affaires n’est pas plus optimiste et la plupart de mes interlocuteurs me l’ont confirmé.

Bon nombre d’entreprises étrangères ont réorienté une partie de leurs achats vers l’Asie du Sud-Est (Malaisie, Vietnam, Thaïlande, etc). La Chine qui exporte a donc perdu des parts de marché.

Les industriels qui faisaient de la Chine l’atelier du monde sont en difficulté. Les licenciements d’ouvriers ont explosé, et la guerre des prix a commencé.

Les commandes locales sont aussi en baisse. L’exemple le plus flagrant, presque caricatural, est la situation des producteurs d’appareils médicaux. Le directeur d’une entreprise productrice de matelas médicaux gonflables m’expliquait que ses plus gros et stables clients sont les hôpitaux, ceux-ci étant subventionnés par l’Etat, or les dépenses liées aux tests PCR en 2022 ont été tels que les budgets sont à sec. Impact direct : l’entreprise note une baisse des ventes de 15% en 2023.

Le ralentissement de l’économie a bien sûr aussi touché les entreprises étrangères qui ont investi sur le marché chinois. Pour beaucoup, l’incertitude et l’absence de résultats de court terme ont été rédhibitoires : ceux qui n’ont pas les reins pour entretenir l’aventure chinoise ont souvent décidé de l’abandonner. Coup dur aussi en termes de ressources humaines. En 2022 la population étrangère de Shanghai a été divisée par deux et trouver un profil de cadre international est devenu difficile ou très cher.

L’économie ne reprendra pas en 2024, et les résultats de 2025 sont incertains. Selon un consultant local, la difficulté pour évaluer une date de reprise et une tendance est que la Chine contemporaine n’a jamais connu de blocage comme pendant la période Covid : les cycles habituels ne le sont plus, le comportement des consommateurs est imprévisible.

Arrêtez votre lecture ici, et vous aussi, vous laisserez tomber l’idée de travailler avec la Chine. Grave erreur selon moi, et voici mes arguments :

1 – La demande en produits premium et haut de gamme va reprendre.

Parce que la production chinoise descend en gamme : L’ambiance générale est morose, mais les chinois sont travailleurs et surtout féroces en affaires. Les prix chinois avaient eu tendance à augmenter avec les salaires pendant cette dernière décennie. Cependant, la guerre des prix en cours les dissuade d’investir en qualité.

Parce que si la classe moyenne est en grande difficulté, les riches restent riches. D’après un contact dans le domaine des montres haut de gamme le marché du luxe est stable voire en hausse. La question principale des fortunés se pose sur la recherche d’opportunités d’investissements.

Le besoin en produits premium et à haute valeur technologique lui ne disparaîtra pas : c’est l’opportunité des entreprises européennes qui pourront ou oseront rester en Chine. Ceux qui survivront 2024, seront gagnants.

2 – Le gouvernement chinois réagit.

Le gouvernement central ne peut se permettre de voir son économie en difficulté trop longtemps. Il a besoin de consommation interne, d’investissements étrangers, de croissance. Il va jouer habilement entre un contrôle digitalisé renforcé des flux et informations, et une ouverture vers l’étranger. Un signal important est la dispense de visa pour les ressortissants français, allemands, italiens, hollandais, espagnols et malaisiens pour les séjours courts de 1er décembre 2023 au 30 novembre 2024.

Retenez simplement que l’influence du gouvernement chinois sur son économie est cruciale et qu’il lui faut, pour sa propre stabilité, un peuple rassasié et satisfait économiquement.

3 – Le made in China est une opportunité

Beaucoup de chefs d’entreprises occidentaux ont réorienté leur sourcing vers l’Asie du Sud-Est, d’une part parce que la Chine a été à l’arrêt à cause de ses lockdowns en 2022, et d’autre part parce que les prix chinois ont perdu en compétitivité. La tendance est cependant au retour vers la Chine pour les achats de produits nécessitants une qualité intermédiaire. Un sourcing mixte Chine-Asie du Sud-Est est probablement la tendance de long terme.

Aussi, les difficultés que rencontrent les entrepreneurs chinois les poussent vers l’étranger pour étendre leurs marchés. Ils sont à l’affut d’opportunités de développement et de partenariats.

China 2024, Crisis and opportunities

 The 2024 China survivors will be winners

It has been a year since I have been in China. Policies, trends and markets change fast and I needed practical update. I have just spent 2 weeks in Shanghai meeting with friends and professionals and here are my conclusions.

Since the post-Covid reopening a year ago, many of us were expecting a fast economic recovery with a compensating effect. Now we know otherwise : growth is not back and 2024 will be at least as tough as 2023 in most industries. China’s 2022 strict sanitary policies have seriously impacted the most important part of a healthy economy : trust.

Taxi drivers (Didis and others) were telling me even traffic jam got better than in 2021, meaning people would go for cheaper transportation solutions or wouldn’t go out as much. Some of these drivers were actually entrepreneurs having no choice but doing this side job to make additional money. Consumption has decreased and the Shanghai lively rhythm is on hold.

Crowded streets I knew even during the Covid period (2020-2021) are quieter. Shanghai is still a fast-going city: coffee shops are full, restaurants too. But the lines to get in have drastically reduced. Shopping malls are quieter, few even closed. Many of the street shops never found a new renter after the 2022 lockdowns.

‘Banks are doing fine, we have money’ told me an ICBC manager. ‘Our clients are saving money and invest less. They got more conservative and don’t buy real estate because the market is not on a good trend.’ All this saved money is holding, doesn’t know where to go locally and is highly restricted to go abroad.

Business is not going very well either and most of the people I met confirmed it. Lots of foreign companies chose to change their sourcing routes to South-East Asia, mostly Vietnam, Malaysia, Thailand, etc. China has lost export market shares and its factories are dismissing employees, and price wars have started.

Local orders are also decreasing. The most obvious, probably even caricatural example I heard is it the medical device industry. The CEO of a medical inflating mattress company told me most of his sales are coming from hospitals. However local governments have spent so much budget on PCR tests in 2022 that they have nothing left now for hospitals… This friend’s sales dropped of 15% in 2023.

The economic slowdown also impacts foreign companies that have invested into to the Chinese market. For many of them, the lack of stability and short-term results was too much to bear, and companies without enough resources to maintain the Chinese business journey decided to leave.

Human resources are also facing difficulties : in 2022, half of Shanghai’s expat population has left, making it harder to find managers with international backgrounds.

The Chinese economy will remain slow in 2024 and it’s impossible to make estimations for 2025. According to a local consultant I met, modern China has never faced an economic freeze like the 2022, therefore common cycles are not applying to the coming years and consumers’ behavior is unpredictable.

If you stop your reading here, you might as well give any idea of working with China. Big mistake in my opinion. Here is why :

1-      Premium and high-end products demand is coming back

Because Chinese production prices decreasing : the general atmosphere is blue but Chinese people are hard workers and tough businessmen. Prices increased in the past decade with a correlated salary raise. However, price wars have started, making premium production investment difficult.

Because although the middle class is seriously impacted by the crisis, the rich remain rich. According to a friend working in high end watches, the luxury market is going well. The main worry wealthy people are finding investment opportunities.

The need of premium products and high tech will not disappear : it is an opportunity for European leaders who can afford or dare to stay in China. The 2024 China survivors will be winners.

2 – The central government moves.

The government can’t afford having a slow economy for too long. It needs local consumption, foreign investments, and growth. It will balance a strict digital control on transfers and information, with opening policies. The recent Visa-free policy for French, German, Spanish, Italian, Netherland, and Malaysian passports is a strong signal we have to notice.

Just remember the government’s influence on the economy is tremendously powerful and it needs a satiated and economically satisfied population for its own stability.

3 – ‘Made in China’ is an opportunity

Many western companies reconducted their sourcing towards South-East Asia. On one hand because China has frozen during its 2022 lockdowns, and on the other hand because Chinese prices were getting less competitive. Medium quality is now coming back to China and China – South-East Asia sourcing mix is probably going to be the long-term balance.

Also, Chinese entrepreneurs’ difficulties on the local market with competition is encouraging them to develop abroad and to look for new partnerships.

Geoffrey Wu-Perrot
geoffreywp@doublelink-consulting.com

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