Les nouvelles d’Amérique dans l’Ouest-Eclair : aventures du Père Le Floc’h et de Victor Colvez en 1903 au Saskatchewan
Dans une lettre de suivi à l’Ouest-Eclair du 29 juin 1903, le Père Le Floc’h, profitant de son voyage exploratoire de quinze jours sur place au Saskatchewan, avait atténué le dynamisme de sa première lettre. Son message aux colons potentiels était désormais plus prudent : « Afin de dire toute la vérité et d’éviter d’induire en erreur les futurs colons, je dois leur dire que ce dont vous avez besoin pour réussir au Canada, c’est avant tout de la volonté et de la persévérance ».
Le terrain qu’il avait choisi près du lac Vermilion, aujourd’hui appelé lac Houghton et situé au nord de Humbolt, était très prometteur, affirme-t-il. Son sol fertile offrait un potentiel pour une agriculture mixte (bétail et grandes cultures), il avait facilement accès à une bonne eau et était proche de la voie ferrée.
Le Père Le Floc’h avait un message pour deux catégories d’immigrés. La première catégorie comprenait ceux qui étaient les plus susceptibles de s’établir rapidement comme petits agriculteurs, c’est-à-dire arrivant au Canada avec au moins quatre mille francs d’épargne, qui en 1903 valaient environ 772 dollars canadiens.
Pour un immigrant de sexe masculin qui satisfaisait à cette exigence, le Père Le Floc’h dressait alors un plan : en avril prochain, quittez la France sans sa famille, construisez une petite maison au Canada, achetez quelques bovins et commencez à ensemencer les champs. En août de la même année, la famille devait ainsi suivre jusqu’à aider la période des récoltes dans ces nouvelles terres d’Amérique.
Si la famille comprenait un fils âgé d’au moins dix-huit ans, le père et le fils établissaient leurs fermes l’une à côté de l’autre, à l’avantage de tous deux.
Cependant, prévient le Père Le Floc’h, si ces même immigrants sont relativement aisés, ils doivent être prêts à travailler au moins aussi dur qu’en France. Le Père Le Floc’h reconnaissait que relativement peu de colons à destination du Canada possédaient des économies, qu’ils viennent de Bretagne ou d’ailleurs.
La plupart d’entre eux étaient des jeunes sans moyens, incapables même de payer leur voyage à travers l’Atlantique. Suggérer qu’ils deviendront riches d’ici dix ans était une plaisanterie cruelle.
Ainsi, pour cette deuxième catégorie d’immigrants, le Père Le Floc’h proposa un plan différent, qui, selon lui, avait été suivi avec succès par les premiers colons qu’il avait amenés au Canada.
Un colon sans moyens avait besoin de trouver un emploi pendant au moins trois ans afin d’accumuler suffisamment d’économies pour établir une ferme équestre. Les travaux manuels typiques étaient probablement rémunérés vingt francs par mois, avec des travaux d’hiver garantis. Après avoir constitué un petit pécule (environ mille deux cents francs ou 232 dollars canadiens) la première année, l’étape suivante consistait à en semer un peu la deuxième année. Ainsi, petit à petit, les colons ne tarderaient pas à s’implanter sur leurs propres soixante-cinq hectares de terres.
Victor Colvez (1864-1932) fut l’un de ceux qui tenta sa chance dans cette aventure. Ses descendants vivent désormais aux Etats-Unis, dans la région de Minneapolis.