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Hainan (Chine) : “On vit au rythme du soleil et des cocotiers” (Godefroy Zwygart)

Rencontre avec Godefroy, Français expatrié à Hainan (Chine).

Il nous raconte son parcours atypique et impressionnant, dans la marine, l’art, et comment il a reçu le très convoité « Chinese Government Friendship Award ».

Bonjour Godefroy, pouvez-vous résumer votre parcours, et ce qui vous amené à venir vous installer à Hainan ?

Bonjour Marc ! Bon alors j’ai un parcours un peu compliqué donc on va essayer de faire simple. Je suis né dans une famille équestre, mais très tôt j’ai eu envie d’élargir mon horizon, et j’ai donc rejoint la marine nationale pendant une durée de six ans. Ensuite je suis passé sur les navires de commerce, puis enfin sur les yachts. Comme je faisais de la régate depuis l’âge de 16 ans la transition a été très facile. Puis de fil en aiguille je me suis retrouve à Taïwan pour construire des bateaux. Suite au déclin de cette industrie J’ai ensuite lâché cette profession pour devenir photographe et éditeur. Puis en 2010 Sanya avait un projet de marina de très haut niveau international et recherchait un expert. Je suis donc venu à Hainan pour chapeauter ce projet. A l’époque la ville de Sanya était vraiment sous-développée en comparaison du continent, et mener à bien un tel projet était donc un challenge passionnant.

Vous avez reçu le « Chinese Government Friendship Award », ce qui est le cas de peu de Français. Comment en êtes-vous arrivé là, et que représente ce prix pour vous ?

Effectivement. On a donc construit cette marina en un temps record (1 an et demi seulement) et avons pu accueillir la Volvo Ocean Race deux fois en 2012 et 2015, ainsi que la clipper race, et bien d’autres événementiels d’ordre global come les championnats du monde de voile junior. Le tout a été de surcroît couronne par des prix prestigieux, de sorte que la marina a largement contribué à internationaliser la réputation de la ville et à la faire connaître mondialement. Nous avons en outre été la première marina en Asie et la deuxième au monde à être accréditée « Platinum Gold Anchors » une distinction de qualité que seules une quinzaine de marinas au monde possèdent a l’heure actuelle. Quand je suis arrivé à Sanya j’ai été classé comme expert et j’ai bien sûr du participer à des dizaines de célébrations officielles et de meetings interminables concernant le développement de l’île, ainsi qu’a un nombre impressionnant d’interviews avec des télés, des magazines et des journaux. J’ai aussi publié deux livres et un grand nombre d’articles éducatifs pour aider à populariser l’industrie nautique. La province m’a décerné un prix en 2014 et ensuite m’a proposé pour le Friendship Award qui est l’honneur ultime accordé aux étrangers par le gouvernement central. Award qui m’a donc été décerné en 2019 pour « contributions spéciales au développement de la Chine » à l’occasion des 70 ans de l’établissement de la PRC (République populaire de Chine). D’un côté cet award est un grand honneur, d’un autre côté après l’avoir reçu j’ai eu immédiatement droit à la fameuse carte verte, ou carte de résidence permanente, Chinoise, ce qui est un avantage considérable.

Comment passe-t-on de la marine et de la construction de marinas, à la vie d’artiste et businessman ? Qu’est-ce qui vous a inspiré ?

Tout d’abord je crois avoir établi un fait : je suis très polyvalent, une sorte de caméléon. En 2020 j’ai démissionné de mon poste de directeur général et créé ma propre société au cœur du CBD de la zone franche de Sanya. A l’origine pour faire du conseil nautique, j’ai ensuite dévié vers le milieu artistique et maintenant concilié les deux. Il y a plusieurs raisons motivant ce choix : tout d’abord j’ai relativement peu à faire dans le milieu maritime durant cette période ; ensuite nous avons été frappés par la pandémie, ce qui m’a laissé beaucoup de temps pour me remettre à peindre, réfléchir et ériger des nouveaux plans (j’ai toujours dessiné, peint et fait de la photographie et quoiqu’en dilettante j’ai fait de nombreuses exhibitions avant de venir à Hainan). J’ai aussi profité de ce temps libre pour approfondir mes connaissance artistiques au travers de cours et diplômes aux US et en Angleterre. Le concept que j’ai mis sur pied consiste à non seulement être artiste mais aussi curateur et galériste. Dans le passé, Hainan était un désert culturel, mais le développement de l’île en zone franche semble offrir de nouvelles opportunités pour promouvoir l’art visuel, en particulier l’art contemporain. Cela sera sans doute très difficile, mais pour moi c’est un nouveau challenge.

Vous avez plusieurs dates importantes, notamment début mars à Sanya et en mai à Hong Kong ; quels sont ces rendez-vous et comment peut-on vous rencontrer et voir votre travail ?

Effectivement l’année 2023 s’est avérée chargée avec sept expositions, mais 2024 s’annonce également prometteuse. J’organise une première expo pour célébrer les 60 ans de relations officielles entre la Chine et la France. Celle-ci se tiendra au grand magasin duty free de Sinopharm au centre de Sanya et durera du 2 Mars au 30 Avril. Quatre artistes (2 Chinois et 2 Français) exposeront une cinquantaine d’œuvres. J’ai pour cela le soutien des autorités locales, en particulier le Bureau du Commerce de Sanya CBD et le Musée des Arts de la ville. Ensuite on enchaîne immédiatement du 16 au 19 Mai à la Hong Kong Affordable Art Fair qui se déroulera au Centre d’expositions de Hong Kong. On peut donc me trouver sur ces deux événements , et ceux qui ont la chance de passer sur Sanya sont bienvenus pour visiter ma galerie.

Vous êtes également impliqué dans une autre forme d’art, les arts martiaux. Quel est votre parcours dans ce domaine ?

Encore une fois ce n’est pas très simple, car du fait de ma profession j’ai beaucoup vagabondé et je suis passé par un bon nombre de sports et disciplines. J’ai pratiqué une bonne quinzaine de sports sérieusement dont trois en compétition. J’ai commencé assez tard par le judo à l’âge de onze-douze ans puis je suis passé par la boxe, le karaté, etc. Au milieu des années 80 j’ai découvert le Yoseikan Budo, un art martial complet qui est une synthèse de plusieurs disciplines (judo, jujitsu, karaté, aikido, kobudo). Lorsque je suis retourné à Taipei en 1999, j’ai ouvert mon propre dojo et enseigné tant les armes traditionnelles que les formes modernes de MMA à des pratiquants autant débutants que haut gradés venant d’autres arts martiaux. J’ai toujours encouragé mes élèves à faire du cross-training, et nous participions régulièrement aux championnats dans d’autres catégories (Sanda, Muay Thai, MMA, BJJ, etc.)

Vous avez transmis votre dojo à Taipei à l’un de vos élèves. Pouvez-vous nous raconter son profil et son parcours ?

Kevin était un garçon chétif vivant juste en face de mon dojo. Constamment malade, asthmatique, et le médecin avait recommandé qu’il ne fasse pas de sport. Sa maman me l’a amené un jour en demandant s’il pourrait pratiquer. Il est devenu un de mes meilleurs élèves, a 17 ans j’ai dû le passer en cours adultes, et ensuite sa vie a pris un tournant décisif. Il a changé son cursus scolaire en passant du « Drama College » au département Wushu de l’université culturelle. Il étudiait donc à temps plein des deux côtés et est très rapidement devenu mon assistant. Grâce aux arts martiaux il s’est complètement transformé et est en parfaite santé, au point que lorsqu’il a été en âge de faire son service militaire il n’a pas été capable de se faire réformer. Il a depuis obtenu un PHD (doctorat) et continue à se former sur une spécialisation d’enseignant enfants. Il est maintenant ceinture noire troisième dan. Lorsque j’ai dû quitter Taipei pour Sanya, Il avait déjà onze ans de pratique. Je lui ai proposé de reprendre l’école – un petit cadeau de départ en quelque sorte – ce qu’il a accepté en disant « je vais essayer ». Et à ce jour le dojo est donc sa principale activité. 2024 sera sa 25ème année dans les arts martiaux.

Pratiquez-vous encore des arts martiaux ? Quel est votre quotidien à Hainan, quels sont vos loisirs ?

Malheureusement non, je n’ai pas trouvé de dojo qui me convienne. Je rencontre de temps à autre des enseignants de Sanda et BJJ pour faire quelques échanges, mais c’est très sporadique. Hormis durant la pandémie, je fais toujours un ou deux voyages par an à Taipei et aussi parfois à Shanghai où un autre de mes anciens élèves a ouvert un très beau dojo.

A Hainan je faisais au départ fréquemment des sports nautiques (voile, ski nautique, surf)  mais je me suis peu à peu désintéressé. Désormais ma routine c’est généralement gym le matin, puis peinture au studio ; mes loisirs sont dorénavant plutôt axés sur les bons restaurants et les bons vins.

Comment est la vie à Hainan ? Recommandez-vous cet endroit pour les Français qui envisagent de s’expatrier, ou de changer de destination ? Avez-vous des conseils pour ceux qui souhaitent s’installer ?

Très bonne question ! La vie ici est très agréable si on aime les climats tropicaux. Les villes sont très verdoyantes et bien entretenues, les transports sont faciles, accessibles et rapides, et la vie est plutôt relaxante. On vit au rythme du soleil et des cocotiers, parfait pour passer des vacances. Par contre s’installer ici est une autre histoire. Cela dépend de ce que l’on recherche. Venir vivre à Hainan signifie venir y travailler. Mais le marché du travail est assez limité pour les étrangers, et en particulier pour les francophones. Le visa n’est pas facile à obtenir sauf si l’on travaille pour un grand groupe. Il existe en résumé quatre secteurs :

  • Le high-tech la recherche etc. Mais il faut arriver avec un doctorat
  • L’aéronautique : quelques pilotes de ligne sont basés à Sanya
  • L’enseignement : certaines écoles offrent des emplois à des étrangers pour des domaines spécifiques – à condition bien sûr d’être qualifié.
  • L’hôtellerie : offre encore des opportunités mais de plus en plus rares.
  • Le beach combing : aller dans la zone surf du côté de Wanning et faire des petits boulots ou enseigner le sport est possible, mais attention a bien être en règle coté visa…
  • L’investissement : on peut maintenant enregistrer une WOFE dans la zone franche, ce qui présente un bon nombre d’avantages, mais le visa n’est renouvelé après 6 mois qu’avec des preuves tangibles d’activité professionnelle.

Comment voyez-vous l’avenir ? Pensez-vous rentrer en France prochainement ? Vous expatrier ailleurs ?

C’est une question que je me posais il y a trois ans, mais j’ai pour habitude de suivre les marées en quelque sorte et surtout mon instinct. Côté maritime j’aurais bien plus d’opportunités en étant basé par exemple à Zhuhai. J’avais également considéré le Vietnam qui semblait s’ouvrir très rapidement mais il semble que depuis une année tout soit figé, apparemment pour des raisons politiques. Le milieu nautique en Chine a atteint un niveau plateau, et je doute qu’il y ait de grands projets ou développements immédiats. Je dirige donc mes efforts sur l’art. C’est un énorme challenge, beaucoup d’investissement personnel et financier, mais cela me motive pour aller de l’avant. Quant à retourner en France, je n’y songe pas car je suis parti depuis bien trop longtemps ; comme un vieux couple divorcé nous avons grandi et évolué dans des directions trop différentes.

Pour contacter Godefroy : geeepsy.com

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