Fabrication textile : quand la “Manchester de l’Anjou des courtiers en fil et en tissu” fournissait la Marine
Au cœur de la « Manchester de l’Anjou des courtiers en fil et en tissu », Pierre Jeanneau, novice bien sûr en ce domaine, s’initia avec facilité, compétence et rapidité à cette nouvelle industrialisation. La société de tricotage se composa assez vite d’un technicien et de dix autres personnes pour engager les autres opérations: remaillage, repassage (sur forme électrique), emballage et expédition. Deux marques furent déposées: « Janolaine » pour les articles à base de laine et « Janylon » pour ceux à base de fil de nylon polyamide.
Augustin Jeanneau (1902-1992) fit confiance à son frère Pierre pour développer l’entreprise qui acheta deux années plus tard deux autres métiers. La confiance des clients composés de petits magasins de bonneterie des petites communes, de forains et de grossistes en bonneterie permit à la société d’évoluer dans de bonnes conditions. Ce furent alors de belles années jusque vers 1950.
Trouver de nouveaux clients
La concurrence se fit ensuite plus forte et la survie des petits clients fut mise à mal par l’arrivée de nouvelles formes de distribution : l’attirance vers des pays à main d’œuvre au coût moins élevé devint difficile à supporter.
Le volume de fabrication était devenu important et les ventes aux clients n’arrivaient plus à absorber la quantité produite.
Pour compenser cette diminution d’achats par les clients pourtant fidèles, Augustin et Pierre Jeanneau se décidèrent à tenter de répondre à des adjudications de chaussettes pour la Marine et l’Armée de terre.
Les marchés importants (2000 à 5 000 paires) obligèrent à mettre en place une organisation de travail plus forte: fabrication plus importante et horaires plus conséquents.
L’entente avec la Marine et l’Armée de terre fut au départ difficile car leurs exigences étaient importantes. Mais après adaptation, ces nouveaux clients apportèrent une réelle bouffée d’oxygène à l’entreprise.
Tout se passa bien avec la Marine. Mais l’Armée de terre, moins consciente des aléas de fabrication, était plus intransigeante. C’est pourquoi, lors d’un contrôle avant livraison, les nouveaux responsables refusèrent la marchandise (2 000 pièces de chaussettes laine/coton/nylon/coloris kaki) invendables ailleurs. Ce fut un coup dur pour l’entreprise. Il fallut alors se réadapter pour rester compétitif et rentable financièrement.
Ultime rebond
Michel Jeanneau, fils d’Augustin, après deux années d’études à l’École Française de Bonneterie à Troyes, rejoint en 1961 la société familiale pour continuer la marche de l’entreprise et étoffer la partie commerciale afin de rechercher de nouveaux clients (les grossistes de Cholet : les Ets Soulard, Fouillaron, Veillon…, la grande distribution).
Ce fut possible pendant quelques années. Cependant, les prix pratiqués par les pays étrangers auxquels la distribution faisait désormais appel, rendaient la concurrence de plus en plus difficile.
Les questions de survie et de rentabilité se posèrent alors.
Grâce aux conseils de la Fiduciaire de France, la décision fut prise de « fermer boutique». Augustin était déjà à la retraite et Pierre avait choisi (après formation) d’ouvrir un cabinet de graphologie.
« Tristis anima est », mais la sagesse de ne pas s’endetter et de ne pas faire faillite l’emporta. En 1971, la bonneterie Jeanneau ferma ses portes. Le nouveau monde, déjà en route, ne pouvait laisser place à l’entreprise familiale qui avait cependant bien rempli son rôle de petit maillon industriel de la « Manchester de l’Anjou des courtiers en fil et en tissu ».