Asie de l’Est : wokisme, jeux vidéos et soft power
Le 20 août 2024 sortait Black Myth : Wukong, du studio chinois Game Science, qui très rapidement pulvérise des records. Il devient par exemple dès le 21 août le jeu le plus vendu de tous les temps sur Steam. Ce succès diffère grandement de l’avenir sombre que leur préparait l’entreprise de consulting Sweet Baby Inc. Cette entreprise a pour habitude de menacer les développeurs de jeux vidéos pour inclure plus de contenus woke-compatibles, avec le risque de perdre leurs financements auprès des fonds d’investissements (BlackRock, Vanguard, Blackstone, etc.). Fidèles à leurs habitudes, Sweet Baby Inc. tente de rançonner 7 millions de dollars à Game Science pour les conseiller dans le développement de leur jeu. Mais ils s’y cassent les dents car Game Science, studio chinois, refuse « l’offre » de Sweet Baby Inc.
Dans la même veine, Ubisoft a annoncé la sortie d’un nouvel Assassin’s Creed pour le 15 novembre 2024. Assassin’s Creed Shadows se déroule pendant la période Sengoku (1450 à 1600). Le bémol ? L’un des deux protagonistes est Yasuke, le seul samurai noir reconnu de l’histoire du Japon. Rapidement accusés de wokisme nauséabond et d’inexactitude historique, il est prouvé que Yasuke est une figure historique. La question reste toutefois pourquoi parmi les centaines de milliers de samurai ayant existé dans toute l’histoire du Japon, mettre en avant un esclave originaire du Mozambique ? Est-ce qu’une entreprise du type Sweet Baby Inc. a proposé à Ubisoft une offre qu’ils ne peuvent refuser ?
L’Asie, spécialement l’Asie de l’Est où la peau blanche a historiquement la côte et des gouvernements socialement conservateurs, se montre plutôt hermétique au wokisme jusqu’à son opposé. Pour exemple, le jeu Genshin Impact du studio chinois miHoYo dont la prochaine extension prévue pour le 28 août 2024, prend place dans une zone inspirée du continent africain. Tout y est, les baobabs, les tribus, les animaux à long cou, sauf la mélanine. L’Archon (Dieu local) n’a pas un pixel de mélanine. Les personnages liés à la région et mis en avant oscillent entre le blanc et blanc vaguement halé. Certains mécontents, surpris qu’on leur fasse ce qu’ils font, grognent bien sur Twitter mais l’argent est le nerf de la guerre et les règles sont différentes en Asie.
Les jeux vidéos participent au soft power d’un pays. Le soft power, c’est-à-dire l’influence à l’international via des moyens doux comme la diffusion de la culture, est un acquis pour le Japon et la Corée du Sud. La jeunesse française s’est entichée tour à tour de ces deux pays d’Asie de l’Est. La génération de millennials ayant grandi avec le club Dorothée a développé une affection certaine pour les mangas, les animes et les sushis. Il n’est pas rare de croiser quelque personne dont le Japon est la terre promise où ils devront aller en pèlerinage un jour dans leur vie. La génération Z a récupéré la passion des mangas et animes de ses aînés pour y ajouter la hallyu (K-POP, K-DRAMA) échangeant sa terre promise pour la Corée du Sud. La fascination de la jeunesse française pour des cultures conservatrices, patriarcales et autres termes honnis du bingo woke, reste une ironie en soi.
Et la Chine? Le soft power – ruan shili 軟實力 – devient un objectif politique dès 2007 avec le 17e Congrès du Parti communiste chinois, dans le but de redorer l’image du pays et corriger « les perceptions erronées de la réalité de la Chine par les médias étrangers». Toutefois, la sauce ne prend pas et la Chine continue de se traîner une image repoussoir de dictature. Le succès fulgurant de Black Myth : Wukong, qui emporte les joueurs dans l’histoire du classique chinois La Pérégrination vers l’Ouest, est un coup de maître dans le domaine du soft power et peut-être aidera-t-il à infléchir l’image de la Chine en Occident.
Car c’est bien une question d’image, de perception. De la fin de la Guerre Froide à il y a quelques années, les US faisaient preuve d’un impérialisme économique et culturel incontesté et incontestable. La diffusion de l’American Way of Life a progressivement mué en diffusion par pression économique des valeurs woke. Cependant, les US pour se maintenir au sommet se sont fait trop d’ennemis, qui ont fini par faire alliance. Ces nouvelles alliances ont créé des contrepoids et un monde économique multipolaire émerge progressivement. Les nouvelles puissances économiques, telle la Chine, n’entendent pas se faire intimider économiquement ou imposer les nouvelles valeurs occidentales. Leurs positions s’échelonnant du « poliment peu convaincu » à l’instar de l’ancien 1er Ministre de Singapour Lee Hsien Loong (interview CNA du 10 mai 2024) à ouvertement hostile comme Vladimir Poutine.
L’Histoire s’est remise en marche, l’équilibre du monde a changé et certains ne l’ont pas encore remarqué. L’Occident vit encore dans sa bulle idéologique de toute puissance et parfois cette bulle éclate au contact de la réalité comme l’américain Sweet Baby Inc. s’est cassé les dents sur Black Myth : Wukong.