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Ana Fábia FERRAZ MARTINS : “la France a toujours vécu en moi.”

Rencontre avec Ana Fábia R. de O. Ferraz Martins, Conseillère des Français de l´étranger (3ème Circonscription – Brésil)

Bonjour Ana, pouvez-vous vous présenter ? Quelle est votre activité, et comment avez-vous créé vos liens avec la France ?

Bonjour Marc, et merci pour l’opportunité de parler d’un sujet que me tient à cœur : mes liens avec la France, ce pays qui nous a « adoptés » dans un sens.

Je suis née et j’ai toujours résidé au Brésil. Je n’ai jamais vécu en France, mais la France a toujours vécu en moi. La France, la langue, la culture et le savoir-faire français ont toujours fait un objet de passion en terres brésiliennes.

Les liens d’amitié et admiration entre les deux pays sont si forts que 2005 a été officiellement élue année du Brésil en France, et 2009 l’année de la France au Brésil.

Le français a été enseigné dans les écoles publiques brésiliennes jusqu’à la fin des années 1960, même si le Brésil n’est pas considéré comme un pays francophone.

J’ai commencé à apprendre le français juste après être allée à la faculté de droit et avoir terminé mon cours d’anglais. C’était mon rêve.

Après avoir obtenu mon diplôme, j’ai fait un diplôme de troisième cycle en droit et commerce international et j’ai commencé à travailler comme avocat dans le domaine du droit international privé. C’est ainsi que j’ai rencontré mon mari, cadre dans juridique du Renault do Brasil, qui est également un francophone passionné, avec des liens forts avec la communauté française locale. Après notre mariage, Joaquim a obtenu, par mérite, la nationalité française, dont nous sommes très fiers.

J´ai décidé de me présenter, et j’ai été élue élire Conseillère des Français de l´Étranger pour la Région de São Paulo, Mato Grosso do Sul et Sud Brésil, sur une liste indépendante, grâce aux efforts et le soutien de mes “parrains” Anne-Marie Ballande Romanelli et François Cessieux, les deux conseillers qui m´ont précédé. J´ai pu compter aussi sur l´appui du Sénateur Olivier Cadic.

J’ai accepté ce défi en remerciement à la France pour l’honneur qu’elle nous a fait.

Je suis également présidente du conseil de surveillance de l’Alliance française de Curitiba, la ville où je vis, je suis membre de l’Association des familles francophones, membre de Curitiba Accueil, et aussi marraine d’un beau projet qui lutte contre la violence envers les femmes, appelé Mots et Maux des Femmes. Telles ont été mes contributions à la communauté française jusqu’à présent.

Concernant mes activités professionnelles je suis avocate dans le domaine du Droit Civil, Droit International, Droit de Famille, et je suis aussi vice-présidente juridique de l´ABICANN- Association Brésilienne des Industries de Cannabis, qui est la première entité associative d’entreprises, créée pour encourager les politiques publiques et réglementaires et proposer des actions pour le développement du marché du cannabis médical et du cannabis industriel au brésil.

Depuis quand êtes-vous élue, quelle zone géographique couvrez-vous et combien de Français y vivent ?

Le Brésil, dans le cadre des onze circonscriptions législatives, appartient à la deuxième, avec l’Amérique latine et les Caraïbes.

Je suis dans le sud du Brésil, où il y a trois circonscriptions. La troisième, qui est la mienne, couvre les états du Mato Grosso do Sul, São Paulo, Paraná, Santa Catarina et Rio Grande do Sul.

La dernière Liste Électorale Consulaire dont nous disposons, datée du 13 mai 2022, comptait 6354 inscrits. Mais comme de nombreux Français ne s’enregistrent pas et que de nombreux binationaux ne tiennent pas leur dossier à jour, nous pensons que ce nombre doit être plus élevé.

Quelles sont les problématiques principales des Français de votre circonscription ?

Ma circonscription comprend le sud, l’État du Mato Grosso d Sul et São Paulo, l’État le plus riche de la fédération brésilienne. Pour la plupart, les expatriés et les binationaux de la région parviennent à vivre dignement.

Bien sûr, il y a ceux qui ont besoin de l’aide du gouvernement français pour que leurs enfants puissent avoir une éducation de meilleure qualité, et aussi ceux qui ont besoin d’accéder aux aides sociales que la France met à disposition.

En particulier pendant la période sombre du covid, les Français dans le besoin ont pu recevoir l’aide SOS covid. Les allocations solidarité et les aides ponctuelles sont très importants pour les français de la région.  La réduction des aides apportées à nos compatriotes ayants-droits est aussi l’une des difficultés.

En outre, les bourses d’études sont très demandées, car l’enseignement public au Brésil est de faible qualité, et les familles ressentent le besoin de rechercher des lycées français pour l’éducation de leurs enfants.

Récemment, bien que toutes les conditions aient été remplies, la Commission Nationale des Bourses a décidé de retoquer plusieurs dossiers.

Si nous sommes les élus de proximité, en mesure de mieux connaître la réalité de nos compatriotes, je pense que nos avis doivent être pris en compte dans les décisions. A moins qu’il ne s’agisse d’une irrégularité formelle, je crois que sur la question du dossier lui-même, ce sont les conseillers qui ont le plus d’éléments pour décider de l’octroi d’une aide sociale, quelle qu’elle soit.

Certains compatriotes éprouvent également des difficultés avec le service du consulat, une situation qui s’est aggravée après la pandémie, lorsque les effectifs ont été considérablement réduits ayant comme conséquence la réduction des services rendus.

Je pense également que la numérisation des services ne peut pas être telle qu’elle supprime le contact direct des personnes avec le personnel, en particulier les plus âgées, qui sont moins habituées à la technologie.

Je tiens en revanche, à préciser que je suis très heureuse de travailler avec le Consulat général de São Paulo, qui s’efforce toujours de répondre très bien à toutes les demandes, et qui fait preuve de ponctualité et de prévisibilité pour les dates des réunions du Conseil consulaire. En outre, les conseillers sont toujours traités avec beaucoup de promptitude et de cordialité.

Je voudrais donc remercier en particulier à notre consul adjoint et chef de la chancellerie, Patrick Andreo, très attentif et rapide pour nous aider. Il n´est pas faux de dire qu´on a une excellente équipe.

Vous êtes binationale. En votre qualité de citoyenne brésilienne, comment voyez-vous l’avenir au Brésil ? Pensez-vous un jour aller vivre en France ?

Je vois l’avenir du pays avec un peu d´espoir, mais aussi avec inquiétude, notamment dans les domaines politique et économique.

Le Brésil est une démocratie assez jeune, contrairement à la France : notre ouverture politique a eu lieu dans les années 1980, ce qui signifie que nous sommes encore en train d’améliorer le fonctionnement de nos institutions.

Cela entraîne parfois une insécurité juridique, facilitant l’émergence de discours populistes de diverses nuances idéologiques, qu’ils soient de gauche ou de droite, qui trouvent des partisans principalement dans les couches les moins favorisées de la population.

La corruption reste malheureusement encore un problème majeur.

Récemment, nous avons assisté à nouveau à l’arrivée au pouvoir de Luis Inácio Lula da Silva, un président de gauche qui a été impliqué dans des scandales de corruption dans le passé. Son vice-président Geraldo Alckimin est un homme dont la voix va plus au centre, plus modérée, ce qui en quelque sorte est un bon signe.

Lula, dans ses deux premiers mandats, a constitué un gouvernement assez pragmatique, ce qui, nous l’espérons, sera répété dans ce mandat qui commence maintenant. Il existe cependant une certaine appréhension quant à l’orientation de la politique et de l’économie au Brésil.

Bien que le gouvernement qui a pris ses fonctions soit identifié à des programmes de gauche, le congrès brésilien qui prendra ses fonctions le 1er février pourrait être défini comme étant de droite, et plus conservateur.

Ainsi, nous pensons que le congrès national, composé de la Chambre des représentants et du Sénat fédéral, agira pour équilibrer la force des institutions, en freinant les excès que le pouvoir exécutif pourrait commettre.

Espérons que tout ira bien. Le Brésil est une jeune démocratie, mais je pense qu’elle a déjà été renforcée, car elle a dû faire face à plusieurs défis ces dernières années.

A propos de vivre en France : N´ayant jamais vécu à l´hexagone, et ayant reçu la nationalité de manière aussi honorable, je pense que j’aimerais avoir l’expérience de vivre au moins trois ans dans ma deuxième patrie ; principalement parce que ce serait une excellente expérience pour mes enfants, car l’éducation en français est considérée comme étant excellente.

Quels conseils donneriez-vous à des Français qui envisagent de s’installer au Brésil ?

Le Brésil est un pays qui offre d’énormes possibilités, notamment dans le domaine des services, des énergies renouvelables, de l’agroalimentaire, de la technologie et de l’innovation. Nous sommes une puissance agroalimentaire et nous nourrissons un milliard de personnes dans le monde, en utilisant moins de 20 % de notre territoire. Le Brésil est déjà une destination d’investissement pour la France, qui est le 3e investisseur dans le pays.

Le Brésil est également devenu un fournisseur de services bancaires, disposant de l’un des systèmes les plus avancés et exportant la technologie à l’étranger.

L’obstacle majeur dans le pays, comme en France, est la bureaucratie d’État, mais qui, avec de bons conseillers, est capable d’être affrontée correctement.

Autre agro-industrie déjà en forte tendance mondiale, et qui en est encore à ses débuts dans le pays, mais qui est déjà à un stade très avancé en France, c’est le chanvre industriel, sur lequel existent déjà plusieurs études et expérimentations. J´ose même dire que la France, premier producteur en Europe, peut être un grand collaborateur du Brésil dans le développement de cette filière dans le pays.

En tant que vice-président légal d’ABICANN – Association Brésilienne des Industries de Cannabis, la première entité commerciale associative du secteur, nous sommes prêts à fournir de nombreuses informations et données intéressantes sur le marché potentiel de cette plante dans le pays, et sur les plus de 200 secteurs qui peuvent être impactés positivement par ici.

Ana Fábia Ferraz Martins (@ferraz_fabia) / Twitter

Infos sur le site AFE : https://www.assemblee-afe.fr/ferraz-martins.html

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