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Pour une Francophonie souveraine

VU DU VIETNAM.

Pour une Francophonie souveraine

En ce mois où l’on célèbre la francophonie, autour de la journée du 20 mars, il nous semble important, étant donné les bouleversements géopolitiques actuels, de regarder cette dernière sous un nouvel angle. Non pas nouveau en ce qu’il n’aurait jamais existé, mais en ce qu’il diffère de celui adopté par les institutions qui en influence actuellement l’orientation politique.

Il convient tout d’abord de définir ce que sont la francophonie et la Francophonie. Le premier terme se réfère littéralement au fait de parler français, quant au second, dont l’initiale est en majuscule, il désigne l’ensemble des pays qui, d’une part, donnent une importance significative à la langue française, notamment dans leurs échanges internationaux, et d’autre part, se reconnaissent dans une communauté de destin élargie dont le noyau originel est la France et son ancien empire, mais qui aujourd’hui c’est diffusé dans le monde au travers de valeurs communes, ou recherchées, qui se rapportent à la liberté, à l’humanisme que l’on pourrait rapporter aux Lumières et, plus avant, à l’helléno-christianisme (alliance de la raison scientifique et de la charité universelle). La Francophonie est représentée aujourd’hui institutionnellement par l’OIF dont la fondation, le 20 mars 1970, ne se trouve pas en France, mais à Niamey (Niger). Le Vietnam en était l’un des tout premiers membres (à noter que la Corée du Sud en est membre observateur, alors que l’Algérie, pourtant très francophone, n’en a jamais fait partie).

Il nous semble que l’OIF, qui part d’une grande idée à l’avenir prometteur, a pris un tournant progressiste postmoderniste[1] marqué par l’élection au secrétariat général de l’organisation de Michaëlle Jean (canadienne d’origine haïtienne). Cette dernière fut littéralement désignée par l’ancien président français, François Hollande, au Sommet de la francophonie de Dakar en 2014, faisant fi du processus démocratique prévu par l’institution, par des combines, et laissant bien marri celui qui faisait figure de favori du Sud, porteur d’une Francophonie économique[2]. Le président français se félicita (cyniquement, on l’imagine) du choix d’une « femme », succédant à deux hommes, par les membres de l’organisation. Mais plus qu’une femme, noire de surcroît, elle était surtout représentative de cette même main mise atlantiste et progressiste sur l’institution qui serait plus tard appelée « wokisme » et qui plongerait le monde occidental dans la situation qu’on lui connaît actuellement. Vous parlez d’un progrès ! Ainsi, en digne héritier de Jules Ferry, il s’agissait pour M. Hollande d’imposer à une Francophonie majoritairement composée de pays du Sud (les deux tiers), traditionnels et conservateurs, une direction du Nord « qui leur ressemble », postmoderniste et progressiste. S’il fut un mépris colonial, c’en est bien un tel que celui-là dont il s’agissait. La secrétaire générale actuelle, poursuivant l’action de son prédécesseur (à savoir, faire avaler les nouvelles « valeurs occidentales » aux pays du Sud) semble avoir également une légitimité douteuse, notamment quant à l’action de son propre pays, le Rwanda, en faveur de la langue française (qui y fut remplacée comme langue scolaire en 2010 par l’anglais). Les fonds de la Francophonie sont ainsi largement dirigés vers des actions sociétales ou écologiques dont les porteurs de projets sont, de manière préférentielle, de jeunes femmes « racisés ». Un audit sur l’efficacité des résultats produits et sur ce que cette discrimination positive (bonne intention s’il en est) a pu jeter aux oubliettes comme initiatives, peut-être plus méritoires pour le développement et les intérêts de la communauté francophone, serait intéressant à consulter.

Il est maintenant plus que temps que la véritable diversité francophone, celle de la société civile, se fasse entendre et ne se laisse plus imposer une idéologie via des éléments de langage rabâchés ad nauseam à longueur de publications. Comme l’orwellien « francophonie plurielle et inclusive » qui impose une pensée unique et en exclut toute contestation. Nous ne sommes pas à une inversion des valeurs près ! En cette année 2025, le vent tourne, et souhaitons qu’il en aille de même pour tous les peuples qui ont le français en partage. Que la Francophonie institutionnelle traite enfin avec respect toutes les cultures francophones dans leurs différences, cesse d’être vassale d’une mondialisation essentiellement anglo-saxonne qui dénature la langue française (les anglicismes, l’écriture inclusive et les mots-valises en sont des symptômes plus ou moins criants) et s’occupe enfin de langue française et non d’ingérence politique. La francophonie doit recouvrir ses véritables valeurs, qui font que des gens, de par le monde, apprennent le français et qui nous disent que la langue est belle et romantique, qu’elle porte à l’excellence et à l’élévation culturelle. Cessons également de clamer « la francophonie n’est pas en guerre avec la langue anglaise », il n’est pire vaincu que celui qui nie être attaqué ! La langue française est depuis longtemps sous les assauts du monde anglo-saxon, ici au Vietnam comme ailleurs, ce monde anglo-saxon qui feint d’oublier, ou souhaite faire oublier, que sa langue n’est qu’un créole d’un français autrefois dominant. Or, la langue française et la langue anglaise (en particulier celle des États-Unis) sont les deux seules langues complètement internationales (avec peut-être l’espagnol et l’arabe), chacune véhiculant un rapport particulier au monde. Le « cool » contre l’élégance, le « business » contre la charité et le « fast-food » contre le savoir-vivre. La défense de la langue française, c’est aussi la défense d’un modèle social plus juste et plus humain.

Que vive et prospère la francophonie !

Zach Cat Luong


[1]     Dans ce texte, nous qualifions ainsi le progressime, terme subjectif mais qui a été idéologiquement accaparé pour qualifier de progrès ce qui pour beaucoup est objectivement une régression, un nihilisme déconstructiviste.

[2]     https://www.jeuneafrique.com/38276/politique/oif-la-trahison-de-dakar/

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